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des nouvelles de Karine
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des nouvelles de Karine
17 février 2009

jungle story

Le cou de la girafe était trop long pour l’éléphant. Il s’affolait pour rien. On lui avait dit qu’il pourrait en changer quand il voudrait. Quelle drôle d’idée aussi il avait eu de commander un cou si long. C’était un éléphant aux idées larges. Et pas comme les autres. Un éléphant en kit qui voulait de tout. De la girafe, du sanglier, de la cornemuse, du léopard, de la vipère, du Saint-esprit. C’était un éléphant aux idées folles. Il avait été banni de sa tribu. Il voulait en créer une autre. De tribu. Une tribu de jazz éléphants. Un éléphant band. Où le saxo et la clarinette sonneraient tambours et trompettes. Où le swing coulerait à flots. Pour le bonheur des typhons et des mégalotropes. Ces étranges choses venues d’ailleurs dont on ne sait s’ils sont blanc ou rouge au réveil. Mais ce qu’on a pu observer c’est qu’ils cultivent du petit lait sur leur balcon pour les oiseaux affamés après une chasse au chat.

 

L’éléphant band s’était formé. Il jouait dans les meilleures jungles du monde. Il était acclamé. Par des badauds ébaudis. Par des publics abasourdis devant tant d’ingéniosité dans les accords. Devant tant de musique. L’éléphant au long cou de girafe s’était dit qu’il s’en sortirait mieux en jouant du violon plutôt que de la trompette. Cet instrument s’accorderait carrément mieux à son organigramme interne. A sa configuration spatiale. Mais voilà la girafe qui lui avait troqué son cou contre une peau de panthère refusait de le reprendre. Elle disait échanger, c’est échanger. Reprendre, c’est n’importe quoi. Alors ce n’était pas possible. L’éléphant se mit en quête d’un échangeur plus mou. Du cerveau. C’est-à-dire carrément plus tolérant. Moins à cheval sur les principes. Les principes. Peut-être une hyène voudrait de son cou de girafe. Que pourrait-elle lui donner en échange ? L’éléphant se demandait s’il aimait mieux se débarrasser de son cou, à n’importe quel prix d’échange, ou le garder si l’échange ne valait pas le coup. Que de questions qui tournaient à vide dans sa grosse tête d’éléphant. La circonférence était si importante que la question n’arrivait pas à faire une boucle entière, elle restait en suspens, sans suite, ni réponse. C’était un problème auquel l’éléphant avait été maintes fois confronté. Il n’avait jamais réussi à le gérer. Ni le résoudre. Ni le solutionner. De quelque manière que ce soit. Mais ce n’était pas ce qui lui importait pour le moment. Si sa mémoire était bonne, la question était celle du cou de girafe, d’un contact éventuel avec une hyène.

 

L’éléphant au cou de girafe acheta « Jungle’s mag », le quotidien de la savane pourvu de nombreuses annonces. Il y lut qu’un panda échangeait une banane moisie contre n’importe quel CD des Rolling Stones. Un paresseux qui … l’annonce n’avait pas finie d’être rédigée. Une citrouille qui s’était trompée de mois et qui recherchait le mois d’Halloween de toute urgence. Un iguane nain du Mexique qui faisait une déclaration d’amour enflammée à une escargote, qu’il avait rencontré dans un train, au cours d’un voyage au Sri Lanka. Décidément, se disait l’éléphant au cou de girafe, on lit n’importe quoi dans ces pages. Rien n’était susceptible de l’intéresser. Il utilisa sa trompe pour faire une boule avec le journal, qu’il mangea sur-le-champ, ne sachant pas quelle serait sa pitance du jour. Il y avait des problèmes de ravitaillement dans la jungle à cause d’une épidémie d’êtres humains qui se faisaient nombreux et carnassiers. Alors l’éléphant au cou de girafe et ses congénères ne mangeaient pas toujours forcément à leur faim.

 

L’éléphant pris ses deux pattes à son coup et sorti fumer hors de la jungle, pour ne pas risquer d’y mettre le feu. C’était déjà arrivé et il s’était retrouvé en prison. Derrière des barreaux, au vu et au su des êtres humains qui venaient lui lancer des cacahuètes. Ça avait été la croix et la bannière pour sortir de là, alors l’éléphant avait compris la leçon. Maintenant il fumait systématiquement hors de la jungle. C’est sûr qu’il devait parcourir des kilomètres de brousse avant d’atteindre la sortie, mais c’était ça ou les barreaux. Et il préférait ça. Il n’était pas le seul d’ailleurs. Son pote le lion à la crinière de feu, faisait pareil. Et puis Moustique le porc-épic aussi et Zimbelle la gazelle aussi. Sauf qu’elle avait arrêté de fumer le jour où elle avait rencontré Cornélius le paon fou. C’était un drôle de couple, ma foi mais qui s’entendait à merveille. C’était l’essentiel. Bien que d’aucun répétaient qu’il était dans lactel.

 

En tirant deux lattes, l’éléphant vit un arc-en-ciel, il se disait que c’était formidable. Il n’avait pas plu pourtant. Il n’y avait pas de soleil non plus. A vrai dire, il faisait nuit. Depuis quelques minutes. Le soleil s’était couché dans la jungle faisant rougeoyer le ciel dans des tons magnifiques. L’éléphant se demanda alors d’où pouvait venir cet arc-en-ciel. Sûrement pas de ce qu’il fumait. Il n’y avait que du tabac. Il se disait quand même qu’il serait temps qu’il arrête. C’est alors qu’il entendit une rumeur, un vrombissement. Et là, il eut l’idée de se servir de son long cou de girafe. Il le déploya au maximum et fut surpris de se retrouver à une hauteur incroyable qui lui permit de voir loin loin loin. Jamais il n’avait eu l’idée de s’en servir. Il l’avait toujours considéré comme gênant et peu pratique pour supporter sa grosse tête, assez enclin à lui procurer des torticolis, mais là il s’affola quand il vit ce qu’il vit. Ce n’était pas du tout un arc-en-ciel. C’était un FEU. Un feu de forêt. Un feu de jungle. Un feu destructeur et dévastateur. Aussitôt il éteignit sa cigarette et lança un cri d’alarme en direction de tous les habitants de la jungle. Avec sa puissante trompe, il tonitrua un cri, qui se répandit dans toute la jungle, jusqu’au fin fond des profondeurs, alertant ainsi la population qui était partie se coucher pour certains, qui était à table pour d’autres, qui faisait un tiercé, qui jouait au badminton, ou encore qui faisaient leurs devoirs pour le lendemain matin…

Grâce au cou de girafe de l’éléphant au cou de girafe, l’alerte fut donnée à temps. Les animaux eurent le temps de s’organiser, de combattre le feu. La lutte fut âpre et acharnée mais ils sortirent vainqueurs. Avec juste quelques brûlures et contusions. On ne déplora pas de morts.

 

L’éléphant fut le héros de la jungle.

On l’encensa.

Il ne voulut plus se débarrasser de son cou de girafe.

 

***

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