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des nouvelles de Karine
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des nouvelles de Karine
24 septembre 2009

des pétales blancs et rouges

Le prince charmant savait que sa dulcinée était pointilleuse. Sur bien des points. Il lui disait « tu es pointilleuse ». « Sur bien des points. » Et elle s’énervait. Ça la vexait. Elle n’aimait pas qu’il sache qu’elle était comme ça. Pointilleuse. Sur bien des points. « Je ne suis pas pointilleuse », qu’elle disait. « J’aime que les choses soient comme j’aime ». « Parfaites ». « Comme j’aime ». « Parfaites ».

Le prince charmant s’était réveillé avec un mauvais pressentiment. Il ressentait un malaise. Profond. Indistinct. Incertain. Impalpable. Il n’aurait su dire ce qui le mettait dans un état pareil. Il jeta un coup d’œil à sa belle. Elle n’était plus dans le lit conjugal. Était-ce ça qui l’inquiétait ? Non, alors était-ce le fait que ça ne l’inquiétait pas qui l’inquiétait ? Non plus.

Le prince charmant dans ces cas-là était bien dépourvu. Il savait quoi faire quand il avait un problème avec une consistance matérielle, soit fuir, soit affronter. Mais quand il avait un problème de source inconnue, il ne savait pas quel bout attraper.

Pour commencer, il essaya d’attraper son cerveau. Et tenta de connecter les fils entre eux pour créer un flux de raisonnement palpable. La première question qui fut engendrée fut la raison de l’absence de la belle.
« Où donc est-elle ?» s’enquit intérieurement le prince. Il ne se rappelait pas qu’elle lui ait dit qu’elle eut quelque projet que ce fut.
« Elle ne m’a pas dit qu’elle avait un projet ce matin. » « Ou alors me l’aurait-elle dit que j’aurais eu la maladroite indélicatesse de ne pas écouter…ou pire d’oublier. Serait-ce possible ? » Comme solliciter sa mémoire pour essayer de recoller des bribes d’informations que son cerveau aurait intégrées dans une mémoire tampon improbable lui était pénible, le prince préféra aller de l’avant et utiliser sa logique.
« Réfléchissons » se dit-il à haute voix pour s’encourager à s’engager sur le délicat chemin de la réflexion. « Réflexion. Extension. » « Où peut-elle bien être ? Et surtout pourquoi ? Pourquoi n’est-elle pas dans le lit conjugal ? Aurait-elle quelque raison de ne pas y être ? Ce n’est pas la saison des champignons, ni celle des potirons, elle n’est pas une lève-tôt d’habitude, elle n’a pas à s’occuper du petit-déjeuner, nous avons le personnel de cuisine pour ça, elle n’a pas de linge à laver, nous avons le personnel de nettoyage pour ça. Où peut-elle donc être ? Aurait-elle quelque raison d’être fâchée après moi ? Aurait-elle quelque illogique raison éminemment non fondée de m’en vouloir pour quelque chose que j’aurais fait bien malgré moi en dépit de mon bon sens ?

Le prince charmant s’accorda quelques instants de rupture dans le long processus de sa réflexion. Il voulait s’imprégner de ce silence qui pouvait lui apporter une quelconque réponse. En ayant rapidement assez et de ne rien faire et de penser à ne pas penser, il se dit qu’il pouvait tout aussi bien penser en agissant.
En se levant par exemple, en enfilant ses chaussons qui attendaient avec déférence au pied du lit princier.
Des chaussons en soie brossée que sa belle lui avait offert pour leur quatrième anniversaire de mariage. C’est à cet instant que le ciel s’ouvrit et qu’un éclair déchirant vient frapper le neurone du prince. Anniversaire de mariage. Mais c’est donc ça !!
Ça ne peut être que ça.
C’est évidemment ça. Évidemment ça et rien d’autre. C’est notre anniversaire de mariage aujourd’hui et comme j’ai oublié de le lui souhaiter en lui offrant une pluie de roses blanches et rouges fraîchement coupées après la rosée et avant le lever du soleil comme elle le souhaitait, elle m’en veut et est partie. Elle est partie, elle m’a quittée. Moi qui suis si attentionné. Enfin pas mal attentionné. Enfin. Je suis là quoi. Il y a des princes de ma connaissance qui partent guerroyer des années durant et qui ne reviennent que très peu au château. Je suis là, moi ! Je m’occupe de tout. De tout. C’est moi qui donne les ordres à mes serviteurs. C’est pas rien, ça.

Le prince charmant sentait bien qu’il était temps que la pensée laisse place à l’action. Mais avant d’agir, réfléchir. Que faire ?
S’habiller. Pour commencer. Vite. D’abord les chausses. Non, les braies. Mes braies. Où ai-je mis mes braies ? Ah elles sont là. Elles sont sales. Bah ! Mes chausses. La droite. Puis la gauche. Ma chemise. Ma chemise. Ah la voilà.
Trois quart d’heure plus tard, le prince était enfin vêtu de pied en cape. Ensuite ? Des roses. Aller chercher des roses. Tant pis pour la rosée, je dirais à Cunégonde de vaporiser délicatement un par un de manière inégale et aléatoire les vingt-mille pétales que mes servants auront cueilli dans les roseraies royales.
Le prince charmant sortit de la chambre princière ragaillardi et excité par la tâche qu’il avait à accomplir.


à suivre...


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