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des nouvelles de Karine
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des nouvelles de Karine
16 juin 2009

au pays des nains, les gens normaux sont des géants


Un géant a sonné à ma porte. Géant il était, j’ai pas compris. Pourtant, j’étais au pays des nains. C’était marqué partout. Ici, le pays des nains. Il y avait des grands panneaux. A l’entrée de la ville. Comme à l’entrée de toutes les villes importantes. Pourtant, ce n’était pas une ville importante. Celle où je vivais. Où j’habitais. Elle n’était pas importante. Cette ville. C’était une ville de nains. J’étais la seule à taille grande. J’étais tolérée dans cette ville. J’étais l’exception. C’est parce que j’étais tombée amoureuse. Du prince de cette ville. Du prince charmant. De la ville des nains. Il était nain. Lui aussi. Comme tous les nains de cette ville. J’étais la seule personne étrange. Différente. Difforme. Et pourtant ils m’avaient tous acceptée. Tous sauf un. Un nain particulièrement antipathique. Il n’aimait pas les étrangers. C’était celui qui tenait l’unique commerce de cette ville. Le commerce de tout. De tout à acheter. De tout à vendre. On pouvait y dénicher des choses ultra rares, comme un boomerang directement importé d’Australie par un voyageur passant par là qui l’avait troqué contre une chapka, qu’un autre passant voyageur avait ramené d’une escale à Moscou. Moi, j’y avais trouvé une vieille roue de carrosse qu’un passant prince avait laissé là après une douloureuse rupture d’avec une  princesse rencontré deux mois plus tôt. Ça avait un coup de foudre étincelant, dévastateur et destructeur. Sitôt après ladite séparation, le prince y déposa la roue, laissant la princesse bancale dans son carrosse. J’avais récupéré cette roue me disant que ça ferait un joli dessous de table sous une belle plaque en verre que je dénichais aussi dans cette formidable caverne d’Ali Baba. J’allais régulièrement dans cette merveilleuse boutique y dénicher les choses les plus rares et les plus inutiles pour moi mais bien souvent à ma taille car ramenées bien souvent par des voyageurs de grande taille. A chaque fois que j’entrais dans cette boutique, je causais le désespoir du nain commerçant qui ne pouvait pas me sentir. C’était bien le seul. Heureusement, déjà que ce n’était pas facile pour moi de me sentir si différente. Mon adoption ne s’était pas faite sans mal. Bien que je fréquenta le prince depuis cinq mois déjà, et qu’il fit officiellement sa demande en mariage en public dans l’unique café de la ville devant le maire, la fleuriste, le bijoutier, la boulangère, l’éboueur, le contrôleur de bus, la bibliothécaire, le libraire, la couturière, le postier, la factrice, l’épicière, entre autres et bien que tous aient applaudi à tout rompre, le commerçant émettait des critiques me concernant. Dans mon dos. Devant moi, il était muet comme une carpe. Aimable comme une porte de prison. Froid comme une pierre tombale.
Heureusement je m’entendais bien avec le maire, la fleuriste, le bijoutier, la boulangère, l’éboueur, le contrôleur de bus, la bibliothécaire, le libraire, la couturière, le postier, la factrice, l’épicière, qui étaient plus qu’adorables. Avec un sens de l’humour qui laissait nettement à désirer. Cependant. Mais ils étaient devenus mes amis. Presque. Des fois. Pas tout le temps. Des fois, on allait à la cueillette des champignons à l’automne ou alors, je les invitais à venir boire le thé à la maison devant la cheminée en hiver ou on allait faire un pique-nique au printemps ou se baigner dans le lac l’été. On se voyait quatre fois par an. C’était bien. Je ne m’ennuyais pas du tout. Le reste du temps. J’avais plein de choses à faire. Plein. Faire des confitures à l’automne. Tricoter, l’hiver. Repeindre les murs de la maison au printemps. Arroser le jardin, l’été. Je faisais ça. Ça m’occupait bien. Pendant les saisons. Les quatre. Heureusement qu’il n’y en avait pas d’autres. J’aurais d’autres choses à trouver. A faire. Mon merveilleux prince était souvent en déplacement. Il allait défendre la cause des nains auprès des autres royaumes. C’était son cheval de bataille. Il ne partait jamais guerroyer. Il partait négocier. Parler. Discuter. Rassembler. Il voulait rassembler les peuples. Rassembler. Que tous s’unissent. Dans la paix et la joie. La paix de l’âme. La joie de vivre. Différents mais unis. Pour un même combat. Combat pour l’harmonie. Il n’était pas toujours entendu. Ce n’était pas facile pour lui. Autant dans son royaume il était pareil à tous ses semblables, autant en dehors de son royaume, il était un autre original, différent, unique, étrange aux yeux des autres. Moi en son royaume j’étais telle que lui en mon royaume. Qu’est-ce qui m’a fait craquer pour lui ? Je ne saurais pas vraiment dire. Notre rencontre était romantique, c’est le moins qu’on puisse dire. J’étais partie un matin de chez moi, le royaume voisin avec dans l’idée de passer la journée loin de tout ce que je connaissais à la découverte de nouveauté. J’avais soif de découverte, de renouveau, j’étouffais dans ma robe en satin bleu violette. Alors j’étais partie à pied pour une longue promenade qui me mènerait où elle me mènerait. A l’aventure. Et je suis arrivée devant une ville. Il y avait un panneau qui disait que j’étais arrivée au pays des nains. Alors j’y suis allée. Et je me sentais étrangement grande. Etrangement mal  à l’aise. Etrangement à l’aise. Cette double sensation était très bizarre. A l’aise, je me suis installée à une terrasse de café. Mal à l’aise, j’ai pris soin de me mettre dos à tous les gens attablés, face au soleil. C’est là qu’il est apparu. Dans le soleil. Il ne me le cachait pas. Mais je le voyais mal. Je le voyais en ombre. Il n’a pas été timide. Il est venu vers moi pour m’accueillir.  Il voyait bien que tout le monde me regardait. Intrigués par ma différence. Le prince ambassadeur de son royaume, ambassadeur de la différence vient à moi m’offrit de me tenir compagnie et de m’expliquer son pays. Notre conversation fut délicieuse et c’est ainsi que nous apprîmes à nous connaître, nous apprécier, nous aimer. Depuis, je retournais régulièrement le voir dans son pays. Jusqu’à ce que je m’y installe.
Et ce matin, un géant sonna à ma porte. Il s’était égaré. Il venait du pays des géants. Etait parti en voyage. Il passait par là. Etait arrivé au pays des nains. Et ne trouvait plus son chemin. Je l’invitais à venir boire un thé. Je me sentais à l’aise. Je me sentais chez moi. Face à cet étranger.

***


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