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des nouvelles de Karine
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des nouvelles de Karine
9 décembre 2009

des échanges de flux sanguins dans une famille tout ce qu'il y a de plus banal


C’est quand les vers ont commencé à sortir de la bouche de sa mère qu’Annabelle a commencé à décrocher. Jusqu’à présent elle essayait de comprendre ce qui se passait, mais là elle n’y arrivait plus. C’était plus fort. Trop fort. Elle commençait à rentrer dans un état de transe. Sa mère. Et Annabelle commençait à flipper. Elle criait. Elle criait. Sa mère. Sur des choses qu’elle ne comprenait pas bien. Après son père. Lui aussi il criait. Mais moins fort. Il disait surtout à sa mère d’arrêter de crier. Il ne supportait pas ça lui non plus. Que sa mère crie. Sa voix montait dans les aigus. C’était atroce. Annabelle avait mal à la tête. Cette dispute l’avait épuisée. Elle n’y était pour rien. Comme souvent. Et elle n’y comprenait rien. Comme à chaque fois. Elle trouvait que ses parents s’engueulaient un peu trop facilement. Pour des sujets extrêmement graves. Pour une casserole en général ou une chaussette la plupart du temps. Ça la faisait flipper, Annabelle. Alors dans ces cas-là elle s’enfermait dans sa chambre. Qu’elle fermait à clé. Et elle mettait son casque sur les oreilles. Avec de la musique bien forte. Dedans. Le casque. Sinon elle aurait tout cassé. Elle n’aurait pas pu faire autrement. Que de tout casser. C’était bizarre ce qu’elle ressentait. A l’intérieur d’elle. Une sorte de violence. Atroce. Insoutenable. Incontrôlable. Elle se voyait prendre ses parents et les frapper l’un contre l’autre. Pour qu’ils arrêtent de crier. De se disputer. Elle avait envie de leur hurler dessus. De les frapper. De crier « STOP ! ».

Mais au lieu de ça, elle était tétanisée. À l’intérieur. Elle sentait son énergie la quitter. S’en aller au fin fond des profondeurs de la Terre. Elle ne voyait plus qu’une masse informe définissant les contours de son corps. Elle ne voyait plus que du visage déformé de sa mère des vers en sortir.  Elle avait peur que les vers sortent et se reproduisent. Qu’ils viennent jusqu’à elle. Qu’ils lui montent dessus. Qu’ils lui rampent sur le corps. Qu’ils pénètrent en elle par sa peau. Par son nombril et qu’ils fassent des petits à l’intérieur. Puis qu’ils grossissent. Encore. Et encore. Jusqu’à ce qu’ils soient trop gros pour rester à l’intérieur. Alors ils sortiraient. En poussant. En déchirant sa peau. Ses organes et ils envahiraient la maison. La ville. Et elle serait là en lambeaux, déchirée sur le sol. Ses parents. Sa mère l’aurait tuée.
C’est alors qu’elle vit la boule de feu à la place du visage de son père. Il s’était enflammé. Il avait pris feu. Instantanément. Il crachait du feu. Comme les dragons. Elle se baissa pour éviter les flammes. Elle n’avait pas envie d’être atteinte. Et brûlée. Elle souffrait assez comme ça. Elle était arrivée au bout du bout de ce qu’elle pouvait accepter. Supporter. Endurer. Alors sans qu’elle s’en rende compte, elle sentit ce cri qui venait du fond de son ventre. Il poussait tellement qu’elle n’a pas pu ni résister. Ni contrôler quoi que ce soit. La terreur. La peur. L’envahirent. Un retentissant « ARRETEZ » ébranla les murs du salon, de la maison, du voisinage. Jusqu’à là-bas. Au moins. Sûrement. Aussitôt, le silence eut lieu. Impénétrable. Elle eut conscience alors à ce moment-là dans le silence envahissant. De son corps. De sa bouche encore ouverte. Annabelle. Elle était rouge de fureur. En transpiration de peur. Elle tremblait et dégoulinait à la fois. Son corps en mouvement sur place ne s’arrêtait plus. Elle avait envahi l’espace avec son cri retentissant. Elle avait fait entendre sa voix. Dans un simple mot. Elle avait arrêté le carnage. Un instant circonspects, ses parents s’étaient tus. Les vers se sont comme par magie envolés. Le dragon s’est volatilisé. Sa mère s’est retournée vers elle. Calmement. Son père. Aussi. Et à nouveau ils ont ouvert la bouche. Tous les deux en même temps. Face à elle. Ils ont crié un peu. Mais moins. Que tout à l’heure. Ils lui ont dit de ne pas crier. Comme ça. Qu’il ne fallait pas faire ce genre de choses. Que ce n’était pas bien. Annabelle était outrée. Soulagée. Ses parents s’étaient calmés entre eux. Ils étaient remontés. Contre elle.
Elle souffla.
Respira.
Tomba. D’épuisement. Son père la ramassa. En disant qu’il ne fallait pas qu’elle se mette dans des états pareils. Il la porta dans sa chambre. Suivi de sa mère affolée. Qui composait le numéro du médecin du quartier. Tous les deux à son chevet. Attendaient. Le médecin. Qui vint prescrire. Une dépression. Nerveuse. Légère. Se calmer. Pas d’émotions fortes. Il suggéra. Les parents acquiescèrent. Ils approuvaient le médecin. L’école. Trop de stress. Assurément. L’âge. Pas le plus facile. L’adolescence. La crise. Heureusement qu’elle a un foyer calme. Annabelle.  Stable. Tranquille. Aimant. Ils l’aimaient. Assurément. Annabelle.

***


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