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des nouvelles de Karine
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des nouvelles de Karine
7 mai 2009

banalités échangées autour d'un dîner


Garcimore avait du mal à finir son assiette. Etait-ce à cause des yeux de grenouilles qui le regardaient droit dans les yeux ou à cause des pattes d’araignées qui lui chatouillaient le nez ?

Quoi qu’il en fut, Garcimore en avait l’estomac dérangé. Il n’arrivait plus à avaler une seule bouchée. Il levait la tête en direction de sa grand-mère, mais il n’osait pas la regarder en face. Il avait toujours eu peur de la regarder en face. Etait-ce à cause de son oeil de verre ou à cause de la verrue marronâtre qui s’exhibait sur son nez ?

Quoi qu’il en fut Garcimore n’osait pas regarder sa grand-mère et encore moins lui demander l’autorisation de ne pas finir son assiette. Pourtant, il savait qu’il ne pourrait pas finir. Finir ou vomir. Tel était le risque encouru. Garcimore ne pouvait pas se permettre de vomir. Il le savait. Cela attirait toujours les cafards et après ils se multipliaient à une vitesse indécente et il fallait des journées entières de palabres et d’opiniâtres combats pour les obliger à décamper. Garcimore était paralysé. Il n’osait pas bouger. Etait-ce à cause du teckel nain de sa grand-mère qu’il avait peur d’écraser en se levant ou à cause de sa jambe de bois qu’il risquait d’abîmer en marchant ? 

Quoi qu’il en fut, Garcimore ne bougea pas. Les yeux de grenouille refroidissaient dans son assiette. Garcimore n’osait même plus penser. Etait-ce à cause de la moisissure qui se déployait sur ses neurones ou était-ce à cause de sa grand-mère qui lui jetait des croûtons de pain à la figure ?
Garcimore tenait sa fourchette dans la main droite mais était incapable de la porter à la bouche. Etait-ce à cause de son bras en polystyrène expansé ou à cause de sa bouche en aluminium recyclée ?

Quoi qu’il en fut, Garcimore ne porta pas la fourchette à sa bouche. Il ne mangea pas ce qu’il y avait dans son assiette et sa grand-mère l’interpella.
Elle ouvrit la bouche mais Garcimore n’entendit aucun son. Etait-ce à cause de la fumée qui sortait de ses oreilles à lui ou à cause des lézards qui sortaient de sa bouche à elle ?

Quoi qu’il en fut, Garcimore ne comprit pas un traître mot de ce que sa grand-mère lui dit. Garcimore se demandait si c’était important. Un peu, beaucoup, très.
Dans le doute, il s’aventura à parler. Il pensa, élabora, puis formula une question. Il dit alors. D’un trait. Tout de go : « qu’est-ce que tu as dit ? »
Sa grand-mère préféra se fâcher plutôt que de répondre. Etait-ce à cause de son mauvais caractère ou à cause de sa méchanceté ?

Quoi qu’il en fut, elle choisit le couteau suisse, héritage familial plutôt que le sabre japonais, achat compulsif qu’elle dirigea, avant de le lancer, sur l’œil droit de Garcimore. Elle visa juste. Garcimore se demanda s’il devait retirer le couteau de suite ou attendre un peu. Il se disait que s’il le retirait de suite, sa grand-mère en guise de remontrances pourrait lui envoyer le sabre japonais dans l’œil gauche, auquel cas, Garcimore n’y verrait plus rien du tout. Ce n’était pas tant qu’il tenait à y voir clair, mais quand même. Garcimore opta pour l’attente. Ce que ne fit pas sa grand-mère. Comme pressenti, elle s’empara du sabre japonais. Garcimore s’encouragea à éviter le coup. Il se demanda comment réagir. Est-ce qu’il allait effectuer un mouvement rotatif sur le côté pour éviter le sabre ou est-ce qu’il allait ôter le couteau suisse de son œil afin de s’en servir pour contrer l’attaque ?

Quoi qu’il en fut, Garcimore n’eut pas le temps de répondre à sa question. Soudain, ce fut le noir complet dans le visuel de Garcimore. Plus d’assiette. Plus de grand-mère. Plus de couteau suisse. Un sabre japonais. En gros plan.
Pour le coup, Garcimore ne se soucia plus de son assiette qu’il n’arrivait pas à finir. Il ne soucia plus non plus de sa grand-mère qu’il n’osait pas regarder.
Sans souci Garcimore se leva. Mû par une force irrépressible. Il n’eût plus d'appréhension quant au teckel nain. Garcimore était fermement décidé à sortir de table sans en demander l’autorisation à sa grand-mère. C’est à ce moment là qu’il entendit la voix de sa grand-mère arriver jusque dans sa tête.
A lui.
Même qu’elle hurlait.
Pour mieux se faire entendre.
Elle disait. Elle demandait : « tu me passes le sel, s’il te plait ?! »

***


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