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des nouvelles de Karine
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des nouvelles de Karine
22 juin 2009

c'est l'histoire d'une crotte dorée

C’était l’histoire d’une petite crotte dorée. Elle était née comme ça. Dorée. De tous les côtés. Des quatre. Elle avait quatre côtés. Un devant, un derrière, un côté droit et un côté gauche. C’était une crotte qui avait un prénom. Elle s’appelait Mirabelle. Elle ne croyait en rien. C’était une crotte nihiliste. Qui ne croyait en rien et surtout pas en l’existence. D’ailleurs elle ne comprenait pas bien le sens de son existence. Elle, misérable crotte dorée, à quoi rimait son existence ? Quel était son absolu ? Son sens ? Elle ne comprenait pas la dichotomie de sa nature qui faisait d’elle une crotte, une merde, une souillure, une salissure, une pollution, une infamie puante et dégoûtante et en même temps sa dorure qui faisait d’elle une beauté, un éclat, une richesse, une pureté. Elle ne comprenait pas l’invraisemblance de son existence.
Elle cherchait l’histoire de ses origines mais n’arrivait pas à y remonter. D’où avait-elle bien pu sortir ? Du cul d’un éléphant ? D’une antilope ? D’un guépard ? D’un babouin ? D’un chat ? D’un chien ? Aucune idée. Aucun souvenir ne remontait à sa surface. Elle vivait depuis un certain temps dans un jardin. Mais elle ne s’entendait pas avec les autres habitants, les fleurs, la terre, les vers. Elle n’avait aucun ami. Même pas une autre crotte pour lui tenir compagnie. Les autres crottes la regardaient d’un air ébahi d’abord puis jaloux ensuite. Jalousie ou envie ? Les autres crottes ne la considéraient pas comme une des leurs. Alors la crotte dorée restait dans son coin à se lamenter. Elle se souvenait le temps où elle avait vécu chez un bijoutier. C’était le bon temps alors. Admirée, regardée, elle était l’objet de convoitises. Elle avait été exposée à tous les regards. Touchée. Mais jamais vendue. Pourquoi ? Elle se demandait. Peut-être que c’était trop révolutionnaire une crotte dorée ? Peut-être que ça dérangeait quelque part. Ce devait être pour ça. Et puis elle avait fini par atterrir dans ce jardin, en passant par des étapes plus ou moins chaotiques. Un vol, si elle se souvenait bien. Puis un abandon.

Et là elle regardait trotter une coccinelle sur une feuille verte. Une jolie coccinelle avec des pois noirs. Une coccinelle rouge. Elle était émerveillée. Elle aurait aimé être une coccinelle pour pouvoir s’envoler. Au lieu de ça elle était lourde et pesante. Elle pesait lourd. A cause de l’or. Elle ne pouvait se mouvoir. Même quand le vent soufflait elle ne bougeait pas d’un iota. Elle aurait pu servir de presse-papiers. En voilà tiens une belle occupation. Presse-papiers. Elle se disait qu’elle devrait passer une annonce pour proposer ses services de presse-papiers. Elle serait touchée par des mains humaines. Elle serait en contact avec le papier. Avec un peu de chance, ce seraient des papiers intéressants qu’elle prendrait plaisir à lire. Mais comment faire pour informer le commun des mortels de son utilité ? Passer une annonce ? Comment ? Où ? Par quel biais ? Le problème semblait insoluble. La crotte dorée réfléchit en silence pendant des heures, des jours, des semaines. Elle tentait de bouger un doigt. D’interpeller quelqu’un qui passait au loin, le jardinier, peut-être, le lombric. Rien n’y faisait. L’abeille était sourde, l’hibiscus ne la regardait pas, la coccinelle la snobait, le chien la reniflait puis lui pissait dessus. La crotte dorée perdit tout espoir de se retrouver un jour sur un bureau, dans une maison.

Elle aimait la nature, mais le vent, le froid, la pluie, le soleil, la grêle finiraient par avoir raison de sa dorure. Et ce qui devait arriver arriva. La crotte dorée pâlit, verdit. Sa dorure, s’écailla, se ternit. Elle était une crotte passée. Elle ne brillait plus. Avait perdu sa splendeur. Elle se disait que c’en serait fini de sa probable vie de presse-papiers. Et elle se lamentait. N’avait toujours pas d’amis. Maintenant au lieu de la jalouser, les fleurs, les insectes, les chiens la méprisaient. Cette crotte qui faisait la belle avec sa dorure n’était qu’une vieille crotte fripée et verte. Tous se moquaient d’elle. Disaient que la beauté ne dure qu’un temps. Mais la crotte s’en fichait. D’être dorée ou pas dorée. Elle trouvait déjà que c’était une aberration d’être une crotte dorée que finalement elle trouva que c’était pas si mal de devenir crade. Comme une crotte. Elle se débrouilla comme elle put avec la force de sa volonté pour se salir encore plus. Elle profita des intempéries et des orages pour creuser un trou et s’enfoncer dans la terre. Elle réussit à pénétrer dans la terre boueuse. Elle commença à se sentir bien dans cette terre. L’odeur était si douce, si agréable. A la fois une odeur forte et ambrée. Une odeur violente et enivrante de terre mouillée. Elle se sentait vraiment crotte. Malgré sa carapace dorée, usée qu’elle possédait toujours. Elle avait l’allure d’une crotte. Marron. Marron foncé. L’odeur aussi. De terre.

Un chien vint la renifler. Il trouva l’odeur à son goût. Il fit une crotte. Une belle merde marron. Bien puante. La merde tomba instantanément amoureuse de cette crotte défraîchie. Ils se parlèrent pendant des heures. Ils se racontèrent des histoires. Ils s’accouplèrent. Et la vie passa ainsi. La crotte dorée avait enfin trouvé la quiétude avec sa belle merde.
Quand un jour juste au-dessus d’eux poussa une magnifique fleur.
Une rose d’un mauve étincelant.
La crotte dorée était heureuse.

***

et à tous un joyeux été !!!


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